La naissance chez les Vietnamiens
Il existe plusieurs coutumes et croyances au Vietnam, en ce qui concerne la grossesse, la maternité et la naissance chez les Vietnamiens. Pendant la grossesse, la future maman ne doit pas manger n’importe quoi. Les aliments sont considérés comme « chauds », « froids » ou neutres, non pas en fonction de leur température ou selon qu’ils sont plus ou moins épicés, mais en fonction de leur nature intrinsèque, telle qu’elle est perçue. Par exemple la papaye est un aliment « froid » qu’il faut éviter pendant la grossesse ainsi que le concombre car ces aliments « froids » augmentent les risques de fausse-couches. Il faut consommer beaucoup d’eau et de chair de noix de coco, parce que c’était bon pour le bébé et pour mon futur lait. La maxime pour souhaiter une grossesse parfaite est que « la mère (soit) ronde et l’enfant carré » (mẹ tròn, con vuông). Après l’accouchement, les femmes vietnamiennes suivent et respectent une série de règles traditionnelles. On considère que l’accouchement enlève à la femme chaleur, sang et souffle de vie. On pense donc que pendant le 1er mois du post-partum, les femmes sont très vulnérables au froid, au vent et à la magie. Pour corriger ce déséquilibre, la femme qui vient d’accoucher doit donc rester à la maison, éviter les courants d’air, renoncer à prendre des bains, ne pas se laver les cheveux, s’habiller chaudement et, s’il lui faut quitter le lit, marcher à très petits pas.
Pendant cette période de confinement, elle est l’objet de soins attentifs de la part de son entourage, notamment de la part de sa mère ou sa belle mère, afin qu’elle reprenne progressivement les forces perdues lors de l’enfantement. D’ailleurs en général, pendant les 3 premiers mois, la jeune maman retourne habiter chez ses parents, ou bien fait venir sa mère. Pendant le 1er mois, la jeune maman n’a pratiquement aucun contact sexuel avec son mari.
Pour reprendre des forces et améliorer la qualité de son lait, elle doit se reposer au maximum, surtout ne pas sortir. Elle se remet à marcher progressivement, petit à petit, pour ne pas que son utérus « tombe de son corps ». On place sous son lit des charbons ardents, pour ne pas que son corps se refroidisse et qu’elle tombe malade, et pour aider également l’utérus à se remettre en place. Les 1ers temps du retour à la maison, sa mère lui enduit le corps d’onguents faits à base de plantes, destinés à lui redonner des forces. Elle doit manger des aliments jugés « chauds » et éviter ceux qui sont vus comme « froids ». Dans les aliments « chauds » on trouve: alcool de riz, poulet, porc, gingembre, sel, poivre noir, riz bouilli. Il faut éviter les fruits et les légumes crus, plus particulièrement les épinards, les haricots, la pastèque, la salade, le citron, la banane ainsi que les aliments gras. Le fait d’éviter les aliments « froids » permet à la mère de protéger son nourrisson contre la diarrhée, la toux et le rhume, les propriétés de ces aliments étant directement transférées au nourrisson par le lait maternel. La soupe au chou, aux carottes, au chou-fleur et aux patates est vue comme un mets qui favorise la production de lait.
Il est courant et préférable au Vietnam d’offrir à une jeune maman vietnamienne pour son bébé des vêtements qui ont déjà été portés, de préférence par un bébé facile et en bonne santé ; ainsi ces vêtements sont emprunts du caractère du bébé précédent et en feront bénéficier le nouveau-né. De plus, des nouveaux habits pourraient rendre jaloux les mauvais esprits qui pour se venger pourraient rendre le bébé malade. Anecdote amusante : il n’est pas bon de laver les vêtements de votre bébé dans une machine à laver, cela peut donner le tournis et des malaises au bébé…
Au Vietnam, une coutume veut que très tôt, à la naissance, le bébé reçoit au poignet, un fil en général tressé. Ce symbole d’attachement a plusieurs significations dans un pays où la mortalité infantile est encore grande. Il est important, en effet, qu’à la naissance le fil rattache l’esprit au corps afin de démarrer l’existence en une seule entité. En général, on considère l’esprit comme le résultat d’une réincarnation qui trouve sa forme, dans le corps du bébé qui s’est construit à partir du corps de la mère au long de la grossesse. L’évolution de cette tradition se modernise dorénavant avec les gourmettes en or comme cadeaux, avec le nom gravé ou à graver.
Pendant les premiers mois de son existence, le visage du bébé est caressé, massé, ainsi que tout son corps avec une douce fermeté. Ce massage permet d’affermir ses muscles et de les coller aux os et à la peau, afin de “mettre en harmonie les parties molles et dures avec leur enveloppe.”
La façon de calculer son âge au Vietnam diffère de notre façon occidentale. Le nouveau-né à sa naissance est déjà âgé d’un an. En effet, la vie de l’enfant commence dès la conception dans le mental des parents et est concrète à partir du moment où la grossesse devient visible. Ainsi quand un vietnamien dit son âge, il convient d’enlever une année pour connaître son âge véritable.
Dans la tradition vietnamienne, la double dénomination (2 prénoms) est pratique courante. On donne 2 prénoms au bébé, dont un qui va être utilisé à la maison par les proches et le 2ème de façon officielle à l’extérieur de la maison. Cette manière de faire permet de mettre une distance avec le milieu extérieur qui peut être hostile. Le nom officiel donné à l’enfant revêt en général une signification, une qualité morale ou bien c’est le nom d’un élément de la nature dont la littérature en fait un symbole. (courage, honnêteté, intelligence, neige, fleur etc.). Le nom donné à la maison lui, est plus simple et souvent à caractère péjoratif. Dans la tradition, cette double dénomination sert à tromper les mauvais esprits qui pourraient, en passant par-là, emporter l’enfant encore fragile en entendant son beau prénom. Ainsi le petit nom donné dans à l’enfant dans l’intimité peut être « boue », « pou », « crapaud » etc. Un petit nom « négatif » destiné à protéger l’enfant, en quelque sorte.
De la même façon, on ne doit pas dire en voyant le bébé qu’il est beau car cela pourrait lui porter malheur. Il faut au contraire s’exclamer de façon assez négative « Mais qu’il est vilain ce petit Tuan, jamais vu un bébé aussi moche ! » ; de cette façon, les mauvais esprits n’auront pas envie de faire de mal au bébé.
La célébration du 1er mois de l’enfant est une tradition très importante au Vietnam. Dans les familles très traditionnelles, on ne peut d’ailleurs pas le voir avant cette date. Avant, on attendait parfois la fête du premier mois du nouveau-né pour aller le déclarer à l’état civil. C’est comme une manière de différencier la naissance privée de l’arrivée dans le social en gardant un semblant de secret, comme une protection supplémentaire comme l’extérieur. La notion de la fête du 1er mois correspond à la représentation de la durée nécessaire à une métamorphose : pour le nourrisson, c’est la symbolisation de sa présence dans le monde formel. Cette fête à laquelle les parents convie famille et amis est la facette moderne de l’ancien « rituel des mères célestes », sorte de cérémonie religieuse et de croyance populaire où au bout d’un mois, les parents allaient au temple et faisaient des offrandes en remerciement et demande de protection aux 12 matrones qui chacune a un rôle dans la formation de l’enfant. La fête du premier mois plein s’appelle également « Offrandes à la Lucine » ou « Cung Mu ».
Une autre célébration importante est celle qui marque l’anniversaire de la 1ère année de l’enfant ou « fête de la fin de berceau » ou “Thôi Nôi”. Le rituel est assez semblable que la fête du premier mois. À partir de cette fête, on peut envisager, sans obligation, que l’enfant dorme seul, un signal d’étape pour pallier l’angoisse de la séparation. Lors de cette fête de fin du berceau, la notion du choix personnel existe pour l’enfant ainsi que l’idée d’une certaine détermination des évènements à venir. Il a devant lui un plateau sur lequel est disposé un certain nombre d’objets représentatifs de perspectives de choix d’avenir : un miroir, un stylo, un livre, un outil…On notera sur un mode ludique, le premier, le second et le troisième choix que fait le bébé. S’il se saisit des ciseaux, il sera tailleur, s’il prend le livre, ce sera une personne très cultivée, …etc.