Le culte des Deesses Meres des Trois mondes, une croyance purement vietnamienne – Hau Dong – au patrimoine culturel immatériel de l’UNESCO

La croyance en les Deesses Meres des Trois mondes a été officiellement reconnue le 1er décembre en tant que patrimoine culturel immatériel de l’Humanité par le Comité intergouvernemental pour la sauvegarde du patrimoine culturel immatériel de l’UNESCO.

Dans les plus de 200 pays et territoires du monde, le culte des Déesses-Mères (Tin nguong tho Mâu ou Hâu dông en vietnamien) est une singularité du Vietnam. Depuis des milliers d’années, cette croyance jouit d’une vitalité qui ne se dément pas, sans doute parce qu’elle est à l’origine du besoin spirituel des Vietnamiens au fil des générations.

Ce culte est une croyance multiculturelle qui n’existe qu’au Vietnam. Il s’intéresse non seulement à la vie de l’homme après la mort, mais aussi à sa vie dans le présent avec ses trois vœux de santé, de richesse et de belle carrière. Ce qui explique pourquoi il tient toujours une place importante dans la vie moderne.

Le culte des Deesses Meres 1Une pratique traditionnelle

Le culte des Deesses Meres est une pratique traditionnelle au Vietnam dont l’histoire est fort longue, et qui a résisté à l’épreuve des mutations sociales. Il traduit une conception du monde et de la vie d’une culture agricole, tout en étant une philosophie de patriotisme, de force et de morale populaires. Il inclut, entre autres, le rituel Hâu dông durant lequel a lieu le chant Châu van (chant des médiums). Ce dernier est une forme d’art religieux qui combine chant et danse pour invoquer les esprits durant les cérémonies de possession du rituel Hâu dông.

Pour répondre à des besoins d’ordre spirituel comme à des attentes quotidiennes, mais aussi pour susciter la chance, la santé et le travail, des communautés du Vietnam vénèrent les Déesses-Mères des Trois mondes. Parmi ces Déesses-Mères, on trouve Liêu Hanh (une nymphe descendue sur Terre qui a vécu comme un être humain et est devenue une bonzesse bouddhiste), qui est désignée comme la Mère du monde, aux côtés d’autres esprits considérés comme des héros légendaires.

La croyance en les Déesses-Mères des Trois mondes a été pratiquée dans de nombreuses provinces du Nord à partir du XVIe siècle. La cérémonie a souvent lieu dans des temples ou des palais, ou des espaces religieux solennels afin d’adorer les êtres saints et leur faire des offrandes.

Le Hâu dông est constitué d’un culte quotidien, de participations à des cérémonies, et de rituels tels celui de possession spirituelle, ainsi que de festivals comme celui de Phu Dày, lesquels ont lieu dans des temples consacrés aux Déesses-Mères. Ces activités, associées à leur pratique, aident à préserver une part de l’histoire de la communauté, de son patrimoine culturel et de son identité, avec plusieurs aspects intégrant costumes traditionnels, musique et danses.

Le culte des Deesses Meres se caractérise par ses chants religieux et une représentation qui combine harmonieusement chant, danse, musique, costumes… On dénombre 36 airs chantés destinés respectivement aux 36 «Gia dông» (scènes religieuses). Chacune raconte une légende, un récit fabuleux ou une histoire mythique… honorant tel ou tel esprit, saint(te), divinité, héros national… Parmi ces derniers, le généralissime Trân Hung Dao, qui a maintes fois repoussé les agresseurs venus du Nord, tient une place particulière. «Le patriotisme est fortement présent dans le culte des Deesses Meres», affirme le réalisateur Nguyên Minh Tuân, auteur d’une centaine de reportages télévisés sur le thème «Le Vietnam et le culte des Deesses Meres».

Le rituel de possession dénommé «Hâu bong» (communiquer avec les esprits par l’entremise d’un médium) ou «Lên dông» (entrer en transe) est un élément central de ce culte. La séance a lieu souvent dans un lieu sacré, soit dans un temple propre à cette croyance (appelé Phu), soit dans un temple dédié au culte d’un génie ou d’un héros national (Dên), soit dans l’enceinte d’une pagode (Chùa). Le maître de cérémonie est un médium, appelé «Thanh dông» (littéralement «homme des esprits»), qui sera l’intercesseur entre les vivants et les esprits.

La tradition veut que les esprits puissent se substituer à l’âme du «Thanh dông». Une fois en transe, celui-ci se tranforme corps et âme en l’esprit invité, par des chants et des gestes.

Le (ou la) «Thanh dông» porte une tunique traditionnelle en soie aux couleurs criardes et un châle rouge sur la tête. Il/elle est exagérément maquillé/e, sa longue chevelure tombe sur les épaules. Une séance de «Hâu bong» se compose de plusieurs «Gia dông» (scènes chantées religieuses), jusqu’à 36, chacune étant réservée à un esprit. À chaque scène, le/la «Thanh dông» doit changer de costume et d’accessoires selon l’esprit à incarner. Et de chanter une mélodie spécifique en faisant des mouvements maniérés. Assis par terre tout autour de la «natte sacrée», les mains jointes devant la poitrine, les fidèles suivent attentivement le médium. Par l’intermédiaire de ce dernier, ils peuvent communiquer avec les esprits ou les défunts. Le rituel dure des heures, jusqu’à ce que le/la «Thanh dông» cesse d’entrer en transe. La séance se termine dans la musique et le cantique «Adieux».

Valoriser le rôle des femmes

Le «+Dao Mâu+, et son rituel +Hâu dông+, est une pratique religieuse syncrétique fascinante, un mélange de plusieurs éléments artistiques comme la musique, le chant, la danse et les costumes», a écrit le photographe Tewfic El-Sawy, qui vient de publier en octobre dernier un livre sur le sujet intitulé Hâu đông : The Spirit Mediums of Vietnam. «C’est un merveilleux voyage dans le monde de cette tradition vietnamienne typique». La croyance populaire montre le respect des enfants envers leurs mere

 

Onze patrimoines culturels immatériels

Jusqu’à maintenant, le Vietnam possède 11 patrimoines culturels immatériels de l’Humanité que sont : la Nha nhac (musique de cour vietnamienne), l’espace culturel des gongs du Tây Nguyên, le Quan ho (chant alterné), le Ca trù (chant des courtisanes), les fêtes du génie Giong des temples Phu Dông et Soc (Hanoï), le Hat xoan Phu Tho (chant printanier), le culte des rois Hùng, le Don ca tài tu (chant des amateurs), le Dân ca vi giam Nghê Tinh (les chants populaires Ví et Giặm de Nghệ Tinh), les rituels et jeux de tir à la corde et, désormais, la croyance en les Déesses-Mères.